C’est ça la nostalgie ?

Jusqu’à présent je ne croyais pas pouvoir être sujette à la nostalgie. Je me pensais sincèrement hermétique à ce sentiment. Et quand j’entendais des ami.e.s se remémorer avec émotion une plage de leur enfance, un cornet de frites brûlantes dégustées les pieds dans l’eau,  je ne comprenais pas la présence de ce voile devant leurs yeux, ce vibrato dans leur voix. Comme s’ils prenaient soudain conscience du temps qui passe. Comme si tout à coup, ils découvraient que même les plus belles fleurs se fanent.

Fleurs-Fanées

Il y a quelques jours pourtant, en lisant le très joli article de Cécile C, j’ai cru percevoir des frémissements, jusque là inédits, venir me chatouiller les souvenirs. Parce que des souvenirs j’en ai comme nous tous. J’aime les solliciter parfois, certains sont même très joyeux. Mais des regrets, de la mélancolie, non pas moi !

Dans son billet, Cécile nous racontait sa visite dans une librairie, lieu qu’elle affectionne  particulièrement. Elle parlait odeur de livres, promesses de lecture et aussitôt comme par enchantement, je me suis retrouvée propulsée dans « ma librairie ».

Celle où je travaillais quand j’étais étudiante.

Quartier Latin. Les étagères débordantes de livres. Et cette odeur qui ne me quittait pas, qui s’incrustait partout, dans mes cheveux, sur mes vêtements et que je reconnaîtrais encore entre mille. L’odeur des livres neufs.

Pétrifiée, les premiers jours à l’idée de me tromper dans le rendu-monnaie que je devais calculer de tête. Puis de plus en plus à l’aise au fil du temps, capable de faire un paquet cadeau en 45 secondes chrono. La gloire.

Les bras chargés de bouquins à classer inlassablement par ordre alphabétique. Tous ces grands auteurs dont la plupart étaient encore des inconnus pour moi qui n’avait lu que mes classiques franco-français.

Rayons-librairie

Ce privilège de pouvoir lire au travail quand le client se faisait rare. Ou même d’emprunter des livres pour les lire chez soi. La seule fois de ma vie où j’ai été heureuse d’emporter « du boulot » à la maison.

« Mes clients célèbres ». Quartier oblige. Le ministre de l’éducation de l’époque qui ne lisait que des romans policiers et à qui mon chef tenait absolument à faire 5% de réduction. Je ne reconnaissais jamais personne et immanquablement ma collègue s’approchait de moi juste après leur départ, en jubilant  :

« Et lui, tu sais qui c’était ? – Non… – Bidulmuche titulaire de la chaire d’éconosociomineralogie au Collège de France. – Ah… »

Et tous ces auteurs qui piquaient ma curiosité à force de voir défiler leurs ouvrages à ma caisse.

« Tiens Annie Ernaux, je connais pas, elle se vend vachement bien. « 

Et les chouchous d’entre les chouchous, lus, découverts et adulés entre deux clients.  Jane Austen, Henry James, Jim Harrisson, Stefan Zweig…

Jim Harrison - Dalva.

Le bonheur absolu.

Les crises de fou rire avec les collègues quand on se refilait un client amnésique et terriblement insistant qui voulait, mais qui ne savait plus bien, qui croyait se souvenir du milieu du titre, qui, si, si, voyait tout à fait de quel livre il s’agissait…

« Je vous assure il y a « voyage » dans le titre, à moins que ce soit « tribulations »… Ce qui est sûr c’est que le prénom de l’auteur commence par A… »

Thésard à lunettes

Mon collègue thésard à lunettes, qui me coinçait l’air de rien entre le rayon philo et le rayon érotisme, message subliminal ? pour me raconter son palpitant week-end passé à lire Schopenhauer dans le texte. Le tout en me postillonnant à la figure les restes de son p’tit-dej.

Mon copain de l’époque qui m’appelait sur le téléphone de la caisse  pour me dire que finalement il ne viendrait pas ce soir et que d’ailleurs il me quittait. Pendant ce temps, une cliente et ses 150 volumes à empaqueter un par un qui m’attendait en souriant sournoisement.

Un vigile attentionné prêt à consoler une petite vendeuse au coeur brisé. La pause-déjeuner au Jardin du Luxembourg ou chez le chinois le moins cher et accessoirement le moins bon de Paris. Les amis qui « passaient par là ». Les restos après boulot. Le plus beau quartier de Paris. Couchée à 3 heures, levée à 7 pour aller bosser. Ou plutôt pour aller croquer la vie par tous les bouts.

insouciance-20 ans

La vie, la vraie, la belle. Celle de ses vingts ans. 

Alors, c’est ça la nostalgie ?

Et vous,  une période de votre vie vous rend particulièrement nostalgique ?

Aileza-cosmique

35 réflexions sur « C’est ça la nostalgie ? »

    1. Merci pour le lien ! Je suis allée voir et… Je me suis abonnée, ça m’a rappelé plein de souvenirs comme tu t’en doutais 😉
      C’est chouette une belle complicité entre soeurs encore plus quand c’est pour toute la vie 🙂

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  1. Waouh, telle que tu me vois, je chante et je danse sur ma table basse !!!! Merci 😍 J’aime ton article et j’y vois des souvenirs heureux, d’autres moins, j’y vois une vie vécue avec joie et cette légèreté que l’on a à 20 ans. Merci pour cette jolie nostalgie car pour moi, je ne peux qu’associer souvenirs heureux et nostalgie … Et toi, tu l’as bien décrite … si tu savais comme j’aurais aimé travailler dans une librairie … Mais pourquoi pas un jour ….

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    1. C’est moi qui te remercie ❤ Tu vois je ne t'avais pas menti quand je t'avais dit que tu m'avais inspirée 😉
      Comme toi, j'aime aussi l'idée que la nostalgie soit quelque chose de joyeux et pas seulement mélancolique…

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      1. ❤ C'est ce qui est beau dans la blogosphère, une idée, un partage, un commentaire, de gros petits bonheurs … belle journée et bon long weekend à toi

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  2. pas vraiment ou alors les périodes où je suis en voyage
    nostalgique de mon premier voyage au Brésil en 2015
    je m en souviens comme si c était hier
    je pourrais en parler encore et encore d ailleurs
    suis intarissable sur le sujet au grand damn de certains d ailleurs

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    1. C’est vrai que les voyages sont souvent des moments exceptionnels auxquels on aime repenser avec émotion quitte à se répéter auprès des amis et de la famille 😀

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  3. Tu en parles si bien … on s’y croirait ! tu as une plume ! Si ça te rend un peu chamalow en y pensant, alors oui, c’est peut être de la nostalgie.. moi j’ai plus la nostalgie de l’enfance je crois…

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  4. Et ben voilà, une nostalgie en appelle une autre ! J’avais presque oublié et des tes premières lignes, j’ai replongé directe. 25 ans, je me suis associée avec 1 ami qui voulait ouvrir une librairie. On a repris « les libres champs » à coté de l’école alsacienne dans le 6 ème… Elle était immense et on y connaissait rien ! Juste on aimait les livres… Comme toi l’odeur, les cartons qui arrivaient le matin et que j’ouvrais avec délice plein de toutes les nouveautés que je ne pouvais m’empêcher de lire un peu au moins…des heures à décorer les vitrines, surtout de littérature jeunesse… les conseils aux dames bon chic bon genre du quartier ou j’arrivais finalement toujours à m’en sortir malgré mes énormes lacunes….Enfin tout, j’adorais tout a part peut-être à la rentrée les livres scolaires, bof, moyen. Là c’était la grosse bourre, on courrait partout, on embauchait les potes pour nous aider… Bon j’arrête. En plus, l’histoire qui avait merveilleusement bien commencé, elle finit pas très bien alors comme toi et moi on aime pas les histoires qui finissent mal… Un grand merci pour retour en surface de ce moment super. Bisous

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    1. Waouh ! Quelle expérience ! J’ai toujours rêvé d’avoir une librairie ! Comme beaucoup de monde, en fait 😀 Mais j’ai toujours abandonné face à la montagne de boulot et surtout l’investissement que ça nécessitait.
      J’ai l’impression que toi et moi on est pareilles, tout au long de notre vie on baigne complètement dans ce monde de livres et d’écriture, c’est notre destin, on dirait 😉
      Bises et bon week-end !

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      1. Oui, je comprends, je n’aurais jamais fait ça toute seule. J’ai eu la chance de tomber sur un ami qui s’est retrouvé avec un héritage énorme et qui aimait les livres mais même comme ça on a pas tenu. Bon, on était jeune, la librairie était beaucoup trop grand pour nous, on y connaissait rien à les gestion et 2 d’entre nous avait besoin d’avoir un salaire. Donc, c’est pas vraiment simple ! bisous

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  5. Je faisais une allergie profonde à la nostalgie, jusqu’au moment où je me suis mise a regarder dans mon rétroviseur. C’est peut-être la faute au temps qui passe, c’est surement grâce à lui aussi que ces moments du passé prennent un si bel écho dans le présent. Merci pour ces jolis mots. Bonne journée.

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  6. Des moments fugaces : mon papa qui me tient par les bras et me fait tourner autour de lui, on est sur la plage de Kokside et je ris, je ris tellement… mon grand-père assis dans le fauteuil du salon qui me raconte que quand il était petit, il descendait les pentes des terrils sur un couvercle de casserole… de brefs moments d’enfance, anecdotes d’un passé naïf.
    Gros bisous ❤

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  7. Tes souvenirs sont en tout cas terriblement agréables à lire, et très littéraires, j’adore!
    J’ai parfois des pointes de nostalgie mais j’avoue être plutôt dans le présent, alors j’ai plutôt un regard tendre vers le passé, sans amertume.

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  8. La nostalgie, je n’en ai pas vraiment mais j’aime bien parfois regarder dans le rétroviseur, me rappeler certains moments de l’enfance ou de l’adolescence, nos vacances d’été au village et tout ce que l’on pouvait inventer, mes 20 ans et ma vie grenobloise. Je ne travaillais pas dans une librairie mais ton article m’a rappelé à quel point j’aimais faire un petit tour chez un petit bouquiniste de ma ville. C’était en effet une belle époque et des fois j’aimerais la revivre mais aujourd’hui aussi est une belle époque dont j’essaie de profiter au maximum car je sais qu’elle ne durera pas !

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    1. Comment ça ? T’es déjà nostalgique de ton présent 😀 Tu me fais rire ma Giulia ! Mais au fond tu as raison parce que rien ne dure et c’est aussi ça qui fait que c’est beau, non ? Bises

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  9. ahah c’est marrant, on a été synchro aujourd’hui à écrire toutes les deux sur la nostalgie. ^^

    en ce qui me concerne, je suis nostalgique de tout. Les lieux, les chapitres de ma vie… à un point où je me dis qu’il faut vraiment que je fasse des efforts pour être davantage dans le présent.

    PS: j’ai moi aussi bossé dans une librairie il y a très longtemps alors je me suis reconnue dans plusieurs trucs (le calcul de la monnaie de tête, les 5% de réduc’ pour certains clients, la lecture dans les moments « creux », etc.) 😉

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    1. Un petit vent de nostalgie a soufflé sur la blogosphère, on dirait 😉
      Mais je m’incline devant la « spécialiste » que tu es alors que moi je n’en suis qu’à mes débuts 😀

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  10. Quel bel article ! Moi je suis nostalgique de la période où j’ai vécu à Montréal. On s’était créé un vrai cocon avec mon copain, tout était parfait, et j’ai les yeux qui brillent à chaque fois que je me remémore ces moments. Bisous !

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  11. Ah je vais me faire frapper: je ne suis pas nostalgique. Du moins pas encore. Ou alors, je le suis sans le savoir, j’aime me remémorer mon enfance en souriant, en riant mais pas de pincement. Le seul truc qui me rend nostalgique c’est ce désir d’enfant qui s’est fait la malle en dix ans. Reviieennnnsssss, please!

    (ah si, je suis nostalgique de ma bestiole à poil mi long et de ses bruits de cochons, mais ça fait un mois, je me laisse le temps!)

    gros bisous

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    1. On a des envies différentes selon les époques de nos vies…
      Pour ton chien, un mois c’est court pour faire son deuil ❤
      Bises

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    1. Pourtant en tant qu’astrologue tu devrais être tournée vers l’avenir…
      Oui je suis allée faire un petit tour sur ton blog qui m’a bien plu 😉

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  12. C’est tellement doux de te lire, de sentir le papier glisser, de voir les lampadaires de la montagne Sainte Geneviève s’allumer, de sentir les vieux rades moites de bière qui nous appellent à la tombée de la nuit… Ces années, je m’en souviens aussi, d’ailleurs nous nous sommes peut-être croisée dans la valse des étudiants qui vivent en foulant sans jamais s’arrêter les trottoirs de Paris.
    Mes plus beaux souvenirs sont là justement, aussi. Dans ces rues arpentées mille fois, entre la nuit et le petit jour naissant. Ces « Vas y viens, y’a pas de métro, on rentre à pieds », de la Butte aux Cailles à Montmartre, en refaisant le monde et en se jurant les plus belles amitiés…
    Merci pour ce doux moment de poésie. Pour ces souvenirs. Pour le bruit des pages et des pavés.

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  13. Régulièrement, je me remémore des souvenirs lointains. Je ressens des petits frissons ou je souris toute seule.
    C’est beau ce sentiment, parfois, de se rendre compte du chemin que l’on parcourt et que les choses ont parfois bien changé.

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